** . . .: janvier 2007

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30 janvier 2007

Le Mystère de La Palourde (le texte noir) 2ème partie

Jack eut tout de suite un sentiment étrange dans la bouche; il crut dans un premier temps qu'il s'était mordu la langue en réfléchissant trop, mais il se ravisa, et s'aperçut bien vite qu'il était suivi. En regardant plus attentivement dans son rétroviseur, il vit trois formes indiscibles qui se précisèrent nettement au passage d'un lampadaire à l'ampoule toussotante. Ces formes froides et grossières étaient celles de trois Vespas téméraires qui avançaient en formation rapprochée, sous des airs plus que menaçants. Jack fut tout d'abord pris de stupeur, et sans prendre plus le temps de méditer sur la répercussion de ses actes, il accélèra dangereusement, dépassant ainsi la limite de vitesse qui lui avait été imposée par les capacités affriolantes de sa machine. Il enchaîna virages serrés sur virages serrés, décornant au passage quelques malheureux panneaux indicateurs et un couple de nains de jardins involontaires qui décoraient les trottoirs. Mais les trois poursuivants s'accrochaient encore, gagnant du terrain à chaque grossier écart de conduite de Jack. La petite troupe approchait de South Lincoln Road, luttant avec les éléments et avec une fatigue musculaire chronique. Ce coin de la ville, Jack le connaissait bien, pour y avoir passé les plus jeunes années de sa vie. Il savait donc que South Lincoln était une rue longue et droite, qui avait l'ambigüe particularité de s'étendre sur plusieurs kilomètres sans croiser la moindre route. Il l'avait longtemps appelée La Route Solitaire. Voilà pourquoi l'inquiétude le gagna peu à peu, alors que son moteur s'affolait, arrivant avec peine à comprendre toutes les sollicitations de sa boîte de vitesses. Les ennemis infatigables qui ne lâchaient ni Jack, ni sa voiture, depuis plus de cinq kilomètres, étant plus rapides que lui, allaient assurément le rattraper d'un instant à l'autre, car il ne pouvait plus compter sur les virages manoeuvrés avec classe pour les distancer. Tout à coup, alors que personne ne lui avait rien demandé, une musique entraînante s'élança dans la poursuite avec eux. Jack tendit l'oreille, pour entendre avec une angoisse qu'il ne contrôlait plus, LA musique. Cette musique qu'il avait tenté d'effacer de sa mémoire pendant les treize dernières années de sa vie; cette musique qui lui remémorait des images insoutenables de perversités, des odeurs inqualifiables, des situations accablantes de ridicule et de niaiserie...... LA musique de Benny Hill.

C'en était trop pour Jack la Palourde. La seule chose qu'il lui restait à faire était de prendre le large, d'appuyer le plus fort possible sur le champignon, jusqu'à le réduire en purée.

Ce qu'il fit. Et le résultat dépassa tous ses espoirs : Mettant tout son courage en oeuvre, il joignit le geste à la pensée, et d'un coup de tong affuté, écrasa le pauvre champignon qui n'avait rien compris à la combine. La R 11, grisée par la subite prise de vitesse n'en croyait pas ses jantes en papier alu d'occasion, et pendant une brève perte de conscience euphorique s'éclata un enjoliveur contre une grille d'arbre qui dépassait insidieusement de la chaussée.

"Dommage !", beugla Jack, qui avait d'autres priorités à cet instant précis. Mais les événements n'eurent pas une portée aussi peu fructueuse, car à peine l'enjoliveur s'était-il détaché de l'admirable carlingue, qu'il fut ejecté vers les étoiles dans une splendide profusion de scintillements. Et après avoir vu de plus près la voûte céleste, il sombra dans la nostalgie du monde d'en bas, et décida fermement de revoir sa Normandie. Hélas, il avait mal calculé sa trajectoire de retour sur Terre, et c'est un lampadaire qu'il revit, et bien nettement, puisqu'il vint en pleurs s'éxploser contre l'ampoule municipale qui recouvrait la scène. Il y eut ensuite une pluie fantastique, entremêlée de minuscules morceaux de verre brisé et de gouttes de pluie sales et noires à force de tomber. Les trois Vespas, aveuglés par cette absence de lumière, se crurent trahis, et perdant tous leurs moyens, roulèrent sauvagement sur le verre qui parsemait devant eux une bonne partie de la chaussée. Les pauvres motards, perdant tout contrôle de leurs engins se rétalèrent sur le bitume, s'entrechoquant joyeusement de flaque en flaque.

Et Jack qui n'avait plus guère de quoi s'inquiéter se souvint alors du message, celui qui l'avait amené à sortir de chez lui ce soir, où la noirceur de la nuit se reflétait dans celle de la route. Il continua donc son chemin, plus décidé que jamais à aller voir son indicateur.

La route s'avèra bien monotone par la suite, ce qui permit à Jack de réfléchir quelques peu au sens de son épopée nocturne. Tout en démêlant ses hypothèses de ses pensées les plus sordides, il prit conscience de l'absence de clarté dans sa vie actuelle. Depuis combien de temps n'avait-il pas vu la lumière chaude et éblouissante du Soleil ? Pendant ce temps, qui sembla être une éternité à Jack, le nombre oppressant des immeubles diminuait, laissant peu à peu la place à d'étranges terrains vagues, vestiges d'une époque de révolution industrielle cataclysmique.

Puis vint la zone portuaire, dans les méandres de laquelle la spectrale Renault 11 Custom de Jack vidait laborieusement son réservoir meurtri par l'érosion. Son rythme ralentit progressivement, et le moteur erreinté finit par se taire.

L'endroit était désert, de telle sorte qu'un étranger à ce lieu n'aurait jamais pu avoir la folle idée qu'il était habité. Le vent s'était désormais assagi, et Jack se mouvait, tel une ombre, dans un épais et vaporeux nuage de fumée blanche émanant de son moteur en fusion.

Il se dirigea vers une grande bâtisse à l'allure aussi froide que le slogan peint majestueusement dessus :

POISSONNERIES LAMOULE,
y'a que çà de bon !

"J'ai déjà entendu çà quelque part....", se dit-il avec sagesse. Puis, zigzagant entre des ammoncellements de caisses éventrées et de flaques d'huiles putrides, il arriva au terme de son voyage, au but qu'il s'était fixé depuis son départ de Black River Street, il arriva . . . . . .
à l'Embarcadère. C'était une vaste étendue d'eau noire et polluée, sur les extrémités de laquelle s'avançaient trois malingres jetées délabrées par la marée radioactive. Des fumerolles noircissaient ce théâtre vide et olfactif, surplombé de minces poutrelles d'acier qui attendaient le retour au foyer de leurs boulons disparus. Assis tranquillement sur la dernière jetée avant l'Océan, un homme scrutait l'horizon dans le silence grisant des clapotis de vagues sans écume.

Dépassant les obstacles sinistres qui infectaient l'endroit, Jack s'avança sur la butée, en escaladant un à un chacun des rochers noirs de crasse qui s'étalaient là, luttant depuis plusieurs siècles contre les éléments. Arrivé au niveau de l'homme solitaire, il l'interpela doucement :

"Bonsoir Ted....Ca mord ?
-Oh! Petitement petitement.....
Je pense que la pêche au boulon c' est pas ce qu'y a de mieux.
-Tu m'en dira tant. Pffff.....Quelle soirée de merde !
-Eh ben quoi ? Qu'est-ce qu'y a ?
-Y'a rien. C'est juste que je viens de manquer de mourir en prenant
ma voiture; et puis je me suis brouillé avec ma porte.
-Faut pas rejeter la faute sur les autres !
Après tout, c'est toi qui l'a choisie cette tire !
-Bon laisse tomber....Je viens pas pour te parler de çà de toute façon.
Y'a autre chose...."
A ces mots, Teddie esquissa un regard muet. Puis Jack continua, l'air tourmenté :
"Voilà, ce que j'ai à te dire n'est pas facile à dire....
-Tu m'étonnes. La preuve : tu viens de faire une répétition,
privant ainsi ta phrase de toute classe....
-Oh ! Ta gueule Teddie l'Entreposeur !
-M'appelle pas comme çà,
tu sais bien que çà m'indispose moralement !
-Bon, n'en rajoute pas ! Laisse-moi raconter mon histoire.....
Voilà, j'étais tranquillement installé chez moi quand tout à coup,
j'entends du bruit derrière la porte.
Alors, n'attendant ni une, ni deux, je vais l'ouvrir....
Et là, personne. Pas un rat mort.
Donc, je baisse les yeux,
et je tombe sur un vieux papier tout froissé qui ne fait aucun bruit.
Et tu devineras jamais ce qu'y avait marqué dessus...
-Ah bon ?
-Des menaces, mon pote ! Des menaces de mort !
-Fais voir !

Jack la Palourde tendit froidement à Ted l'Entreposeur, le papier qui était la cause de tous ses malheurs. Ted remarqua alors une lueur grise dans l'oeil gauche de Jack, qui lui fit lever le sourcil avec excès. Puis l'Entreposeur scruta le morceau de papier avec curiosité, ce qui lui prit plus de temps que prévu. Après 13 minutes d'un silence angoissant au possible, le visage de Ted s'embrasa soudain d'une étrange expression, et il partit dans une longue plainte froide, parsemée de remous ondulatoires, qui n'avait rien d'humain. Jack crut d'abord que c'était le choc, l'effroi qui faisait son apparition chez son ami; mais il finit par se rendre à l'évidence : Teddie riait. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, Ted l'Entreposeur pleurait de rire....

Mais il s'arrèta net quand Jack, encouragé par un surplus de fatigue, lui décolla une beigne en pleine mâchoire, ce qui eut le mérite de ramener l'autre à la raison, et du même coup, d'encastrer sa sixième molaire droite dans un vieux morceau de ferraille mouillée qui flottait seul dans l'eau du port.

"Eh ! Calme-toi mon vieux,
pas la peine de te défouler sur ma gueule !
Je vais t'expliquer !
-Oui, j'aimerais bien...
-Bon.... Comme tu l'as sans doute remarqué,
j'ai mis du temps à comprendre le sens profond de ce message....
-Oui, et alors....
-Et alors tu t'es planté mon gars.
Ce stupide bout de résidu d'arbre n'est pas,
comme tu te l'étais figuré une menace diabolique au funèbre dessein....
C'est juste une lettre d'expropriation bizarrement formulée,
dont la pluie et le vent ont défiguré le sens.
Voilà pourquoi elle a été chiffonnée et déchirée partiellement.
Et c'est cela que tu aurais dû lire tantôt.

Là-dessus, Ted étendit les bras vers le Soleil naissant, et lu par transparence la maudite lettre spectrale :

Mon cher Jack,

votre vie ne vaut vraiement plus la peine d' etre vecue;...
Partez ou prenez des vacances, ici, c'est mort...
Je serais ravi de signer votre expropriation.

Mr Rickebuch,
proprietaire d' une usine a bois
dans le Kansas.

"Y'a comme qui dirait une nuance,dit-Jack.
Mais alors, pourquoi les Vespas ?
-C'est le plus flou de l'histoire....
Sans doute n'était-ce que trois malheureux touristes italiens,
perdus dans l'obscurité et attirés par la lumière de tes phares...

Sous le choc, Jack comprit beaucoup de choses. Il comprit d'une part, qu'en riant Ted s'était foutu de sa gueule, ce qui le fit douter de l'honnêteté d'icelui, quand il se disait son meilleur ami.

D'autre part, Jack prit conscience, treize secondes après lecture de la lettre, qu'il n'avait jamais eu d'ami.... Les dix-neuf minutes de blanc-son qui suivirent, l'amenèrent à faire le point sur sa vie passée, et à comprendre en quoi exactement, elle était merdique....


Puis la lumière du Soleil s'empara du port, le délivrant des heures sombres de la nuit, qui lui procuraient gravité et éclat intemporel. Et l'aube vint à son tour, éblouissante et spectaculaire dans son éternel renouvellement. Jack s'en empara pour accomplir la dernière étape, pour amener cette histoire à son achèvement.

C'est ainsi qu'il put s'enfuir, le coeur léger,et empli d'un nouveau souffle qui allait le maintenir sur la route jusqu'à ce que le destin décidât qu'il s'arrète. Jack prit la route le matin même sans un regard en arrière, alors que le misérable Ted, qui ne signifiait plus rien à ses yeux, agitait les bras vainement, en quête du moindre des signes de reconnaissance.

Et après bien des jours d'errance, Jack la Palourde prit la route du Nord, le Grand Nord,
où le vent s' agite tel l'existence...

fin...

k.l.b. 97

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29 janvier 2007

Le Mystère de La Palourde (le texte noir) 1ère partie

Au commencement, il y avait le noir... le noir total. Alors il n'est pas étonnant que ce héros ne soit jamais sorti de l'ombre. Il s'appelait Jack, oui, Jack... Un nom banal ? Eh bien non. Pas quand on y associe le pseudonyme de "La Palourde".

Jack la Palourde était tout le contraire d'un corrompu. Et quand il arpentait le bitume, il le faisait avec classe, son éternelle classe, celle-là même qui avait fait toute sa réputation. Il avait une technique bien à lui qui consistait à toujours poser les questions après, et à improviser avant. Cette technique faisait des ravages, surtout sur ses clients... Car Jack la Palourde était connu dans le milieu principalement pour son aptitude à enquêter sur tout et n'importe quoi; et il arrivait la même chose à chacun de ses malheureux clients : Il les descendait avant même qu'ils aient eut le temps de dire : "Bonjour, je viens vous demander un service. C'est un service minime, c'est juste histoire de tuer quelqu'un..."

Il vivait la plupart du temps retranché dans sa planque; qui n'était autre qu'une cave; le sous-sol d'un immeuble dont plus personne ne voulait parce-qu'il était rétro et dépassé technologiquement...

Cet immeuble se trouvait, de plus, sur Black River Street, une rue somme toute assez bien nommée puisqu'elle constituait à elle seule le quartier le plus mal famé de la ville : East-Alma. Ce pseudo-quartier ressemblait à s'y méprendre à un ramassis de toute la misère de la ville, et ceux qui osaient encore y sortir la nuit devaient être armés d'un gros calibre ou alors d'un courage suicidaire. En prêtant l'oreille, ils pouvaient alors apercevoir la population nocturne du quartier (qui compensait abondament l'absence d'habitants pendant la journée). Celle-ci se composait des loques les plus disparates : des éclopés irresponsables qui avaient échoué leurs tentatives de suicide héroïque pendant la dernière guerre, des informateurs en mal d'informations, des has been de tous poils (même des moindres), des dealeurs de boussoles déboussolées à trotteuse rabattable, des empècheurs de tourner en rond (qui menaient depuis plusieurs générations une politique désespérée de boycott des couroies de directions de Vespa), des exclus de casinos, perdants de profession (qui se revêtaient de simples toiles de jute recousues partiellement de cordes de raquettes de tennis usagées), des collectionneurs de pin's attardés mantaleaux (qui croulaient un peu plus, jour apres jour, sous le poids de leurs vêtements recouverts de pin's), et aussi des pires fausses-couches de toute l'Amérique, puissante et belle dans sa démesure et son ridicule grandissant... Bref, Jack la Palourde menait une vie de merde.

Cette vie bascula très exactement le 31 au soir, juste quand il s'y attendait le moins.
Ce soir-là, il était tranquillement allongé sur son bureau parce qu'il avait brûlé sa chaise lors du feu de la St Patrick, bien qu' il n'eût jamais été irlandais. Il attendait que le temps passe en espérant de toutes ses forces ne pas entendre les cris et furies des derniers pitoyables fêtards qui s'obstinaient encore à placer tous leurs espoirs dans l'incantation de cannettes de bières vides, pour que l'année à venir soit meilleure... Et, tout en comptant les fissures asymétriques du plafond qui était son interloccuteur attitré depuis plus de trois heures, Jack pensait fébrilement :

"Cette sombre utopie témoigne de la dérive spirituelle de masse qui s'accroît ces temps-ci..."

Ainsi voguait son marasme psychologique quand un événement perturbateur impromptu vint barrer la route de sa méditation stagnatique..... Il entendit des bruits de pas, lents et successifs comme un trépignement sournois... Pas de doute, ces sons étranges provenaient de derrière sa porte. Sa réaction ne se fit pas attendre : il sortit furtivement son épis de maïs de son fourreau, le pointant méchamment vers la porte. Dans la poche droite de son imperméable, il tapotait son briquet, prêt à s'en servir si les choses tournaient mal... ou même au vinaigre. Tout-à-coup, il lâcha tout le sang-froid qu'il avait sur lui, et se jeta sur la porte, tête baissée et calvitie en avant, tout en espérant tomber sur un nouvel ami (car il en avait peu dans le milieu).

Mal lui en prit : à peine avait-il posé le pied sur le résidu de poignée en parpaing, que sa bien-aimée porte s'ouvrit, laissant au devant d' elle se répandre le vide, l'indiscutable et insipide néant...

Alors, dans la fureur de son étonnement, Jack hurla tout droit à sa porte :

"Porte parmi les Portes, Frontière entre Deux Mondes, mais que t'arrive-t-il donc ?

Voilà que tu me fais espérer des visites amicales, des surprises agréables, de chaudes embrassades! Mais qu'obtiens-je donc quand je t'ouvre, le coeur empli d'un vif et

soudain désir de chaleur humaine, de réconfort en ces jours tristes où rien ne va plus guère ?

RIEN ! Le néant total et absolu ! Alors, c'est cela ? Tu m'abandonnes ?

Eh bien soit ! je ne te parlerai plus désormais que par monosyllabes !"

C'est le coeur amer qu'il baissait les yeux pour verser une dernière larme sur le pas de sa porte, et sur sa trahison, quand il aperçut, coincé entre deux lattes du plancher de son couloir, un malingre morceau de papier, qui se tortillait penaudement pour essayer de sortir de ce traquenard humiliant.

Jack le ramassa avec toute la curiosité qui le caractérisait, et l'examina d'un oeil intéressé.
C’était, après tout, sa seule trouvaille de la soirée. Sur ce morceau de papier, qui avait perdu toute la grandeur de ses parents les arbres, Jack la Palourde chercha les traces subliminales de quelques signes de communication, et ce après l’avoir soigneusement déplié. Il put alors y lire, ou plutôt tenter d’y lire des mots étranges qui n’en étaient même pas :

Jack vie plus, partez ou mort

Je serais ravis . . .

Mr
PRO

C’en était trop, et en plus, c'était incompréhensible. Tout ce qu'en déduisit Jack, c'est qu'il se faisait grand temps pour lui d'élucider ce mystère. Il monta les escaliers qui le menaient à la rue, tout en se demandant qui pouvait bien vouloir le tuer, autrement dit, qui pouvait bien être ce Mr Pro, et quand il finirait par décuver.

Quand il s'extirpa de la porte cochère qui lui était totalement indifférente, et s'offrit à la Nuit, pâle et mystérieuse elle aussi, il eut un vaste mouvement du cou, comme pour chercher un éventuel coupable dissimulé maladroitement dans le paysage. Ce réflexe, seuls les professionnels de sa trempe pouvaient l'avoir acquis. Mais il fut inutile, car personne ne hantait plus le parvis de son immeuble (ni même tout Black River Street) à cette heure désolée de la nuit.

Jack était en train de lentement se rendre compte que le bordeau défraîchi de sa "Renault 11 Custom" flashait dans l'obscurité quand l'idée lui vint d'aller rendre visite à Teddie l'Entreposeur. Ted était l' homme de la situation; il l'avait toujours été: lui seul pouvait répondre à toutes les questions qui avaient un rapport direct, ou non, avec les enquêtes de Jack.

C'était son indicateur. On l'avait appelé l'entreposeur rapport aux nombreuses informations qu'il entreposait consciencieusement dans des "caisses en bois pour pas qu'elles coulent dans les eaux noires et froides du port....On sait jamais.", comme il aimait à les appeler.

Jack prit donc le parti de chevaucher sa majestueuse Dévoreuse de bitume, sans plus attendre, et de s'enfuir loin, dans la ténébreuse moiteur hivernale, en quête de vérité, tel le Cavalier au Coeur Brave chargeant avec sa puissante monture, Mère Justice...

Il quitta donc Black Rever Street sous une pluie battante qui, après avoir rebondi et dégouliné de maintes façades de bâtiments décrépits et insalubres, n'arborait plus rien d'originel. Insensible au vent et aux tourbillons de pluie, Jack s'engouffra ensuite sur New Empire Avenue. Pendant que des centaines de gouttes obstinées jouaient au saut à l'élastique sans élastique, se vautrant sur son pare-brise dans un ballet aquatique qui n'avait rien de glorieux, Jack la Palourde, accompagné d'une nuit grandissante, parcourait les rues sombres de cette ville où le danger était à chaque tournant. Il était désespérément en train de se demander à quoi correspondait exactement le Nouvel Empire quand un éclat de lumière furtif provenant de son rétroviseur gauche (son unique rétroviseur), ramena à la raison ses sens les plus endormis.

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27 janvier 2007

Hors les Murs



21 janvier 2007

More music for your ears

Encore plus de la musique pour vos oreilles !
J'ai rechargé ma radioblog avec une petite séléction de titres qui tournent en ce moment sur mon mange-disque :

- The Fountain Trailer - Clint Mansell (oui la magnifique musique de la bande annonce qui n'est même pas sur le CD de la BO !)

- I'll Be Seeing You - Billie Holliday (un genoux à terre pour la madame)

- Together We Will Live Forever - Clint Mansell (mon préféré de la BO)

- Fleur de Saison - Emilie Simon (Rhhhaaa Emiliiiiie !)

- Swimming - Emilie Simon (bis repetita)

- You're Gona Miss Me - The Thirteenth Floor Elevators (le morceau le plus classe de la BO de High Fidelity)

- No Title - Hushpuppies (du rock américain de France, jeune mais pêchu)

- You're Gonna Say Yeah ! - Hushpuppies

- Jackson - Joaquim Phoenix & Reese Witherspoon (regardez ce qu'elle arrive à faire "avec sa cuillère"!)

- Dreamland/A Prayer - Madeleine Peyroux (il faut creuser un peu pour retrouver quels titres sont utilisés dans les génériques de fin de Deadwood, mais parfois ça vaut le coup)

- Twisted Little Man - Michael J. Sheehy (celui là était sur la BO de la saison 1)

- Metamorphosis IV - Philip Glass (j'ai peine à croire que j'avais pas encore casé un morceau de l'ami Philip ici n'd'dans)

- The Grid - Philip Glass (from Koyaanisqatsi)

- The Passers by - Jehro (reprise de Brassens en english qui fonctionne !)

- Putain de Toi - Olivia Ruiz (au début je pouvais pas la blèrer avec sa gouaille de ptite fille ex starac; mais là elle assure)

- Danse Macabre Op.40 - Camille St Saens (juste classe)

- Alabama Song - The Doors (ah bah là aussi ça manquait !)


Voilà...

16 janvier 2007

Génie Immortel 4

La parole appartient aux Hommes

Il n'y eut pas quatre, neuf, ni onze, mais trois mois de galère sur leur chemin. Malgré les cahots de la route, l'attelage tenait bon. La femme haranguait d'une voix grêle le tout-venant médusé. Les mères emportaient leurs enfants loin de ce spectacle immonde, leur cachant les yeux pour qu'ils ne se les brûlent. Bref, un jeudi à l'aube, le caribou exténué fit halte sur les rotules. A l'horizon se découpait sous une brume de chaleur, la silhouette d'une forêt tropicale. D'un oeil incrédule, le caribou contempla ce nouvel univers: l'ensemble des couleurs de la création s'y trouvait redéfini dans le plus vaste des nuanciers de verts. La bave aux lèvres, Zora regarda son fils et éperonna des deux mains la croupe de sa ruminante monture.

"En avant Tapitapon !", susurra la diablesse à la cheville crottée.

Pénétrant dans la jungle infernale, le héros s'appelle Bob Morane contre tout chacal, l'équipage s'embourba dans un marécageux cul de basse fosse. N'écoutant que sa bêtise, la mère se débattit de toute la force de son unique moignon, pour mieux s'enfoncer dans la vase, ligotée de tout son long par des lianes assassines... Un dernier réflexe lui avait providentiellement fait lancer le rejeton au-delà de son tombeau. L'enfant atterrit sans trop rebondir au creux des bois du caribou affolé. Celui-ci, défait de ses liens par la fureur de la scène, entama une course folle à travers l'enfer de verdure alors que la malheureuse Zora digérant la boue avec grand peine, rendait l'âme à Dieu et son enfant au destin.

Après plusieurs jours d'errance, Tapitapon chut à nouveau sur ses rotules, grimaçant à qui voulait l'entendre que non, il n'avancerait plus d'un centimètre dans ce pays de cauchemar, merci pour lui. "C'était à craindre..." dit Jobim en se massant les côtes d'un air solennel. Pas étonné pour deux sous du phénomène de verbiage auquel il venait d'assister, le caribou s'acharna à mastiquer quelques fougères.

Leur insouciance était touchante, tandis que tout autour d'eux, un groupe d'une quinzaine de chasseurs de la tribu des Youk'hou-lé-lé-Dakat'chahid se mouvait en silence, resserrant lentement leur étau sur les voyageurs égarés.

N'étant plus qu'à quelques mètres de l'enfant et de sa monture, l'éclaireur du groupe de chasse, Takayaleh, se mordit la langue et faillit s'étouffer avec, en entendant l'enfant deviser ainsi :

" Voix-tu Tapitapon, cette enceinte de verdure m'a déjà pris ma mère, je ne vais pas en prime lui laisser nos cadavres à boulotter.

Car tant que je serai lucide, fier animal, je ne saurais adhérer au sort qui nous est joué. "

Entendant cela, Takayaleh s’en fut en courant de par la jungle, et rejoignant deux de ses compagnons, en agrippa un, Dob'hynieh, par l'os qui ornait ses narines.

" Aayyeuh ! hurla ce dernier.

-Dob'hynieh-fok'tuv'woassah !!!

-K'essa-d'hir ?

-Lanphanki'quoz-hassa'gazehlàkhorn .!.

-Oussah'dhonk ? "

Sans lâcher l'os de Dod'hynieh, l'indigène fébrile courut, bientôt suivi par toute la meute, vers l'orphelin glapissant.


klb et jjb 2002

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Génie Immortel 3

Puis commença le troisième âge



Dans la tanière exiguë où il avait l'habitude de prendre ses aises, Jobim attendait le biberon du soir. Sa mère se débattait comme à l'accoutumée dans les affres du marché aux poissons. C'était comme ça le Lundi. Depuis qu'elle avait perdu sa jambe droite au cours de la poursuite mémorable d' un tramway, elle se déplaçait sur une plateforme à quatre roues selon une trajectoire circulaire puisque seule sa jambe gauche était valide.

Alors que le petit Jobim âgé de trois ans n'en finissait plus de retapisser les murs de ses cris, Zora entra furibonde dans l'appartement, dévastant les restes de moquette sur son passage. Les voisins ne se plaignaient jamais : ils étaient sourds aux malheurs du monde.

Elle déversa le fruit de sa quête sur le poêle du living-room, en toussant allègrement. Elle tira les marrons du feu et en farcit les harengs à la louche. Dans une poussée de perfectionnisme, elle fit ensuite sortir les yeux de leurs orbites, pour les accommoder en une purée dont elle remplit le biberon de son fils, en marmonnant

" Tarastak'honk pourquoi me demandes-tu ces choses ? "

La réponse ne tarda pas. Une tourterelle albinos des steppes vint picorer les viscères des poissons aveugles en caquetant une mélodie pop sans début ni fin.

Ne sachant comment réagir, Zora abattit de toutes ses forces son bâton de marche sur le volatile intrus, qui s'écrasa dans un hachis de plumes, d'entrailles, et d'écailles, tel un cadavre hybride. Soudain, l'illumination s'empara de la bougresse qui, prise d'une rage irrépressible, arracha les tentures, enferma un nécessaire de survie dans une valisette en tweed, prit Jobim à demi-inconscient dans ses longs bras simiesques puis, dans le même élan, s'attela à un caribou qui stationnait sous la fenêtre. Hurlant une flopée d'injures d'encouragement, Zora fouetta la bête, qui, dans un meuglement éperdu fit feu des quatre fers.
Le convoi improbable s'en fut sur la route du Sud laissant pour seul témoin à se désolant spectacle, le cadavre déplumé d'une nouvelle espèce.


klb et jjb 2002

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Génie Immortel 2

Tarastak’honk pourquoi me demandes-tu ces choses ?



Le 19.


klb et jjb 2002

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Génie Immortel 1

Malheur au fils rebelle



Jobim naquit en Syrie dans la sciure d'une scierie. Sa mise-bas ne fut en rien une partie de rigolade ; car dans la petite ville de Maskanah, dont l'activité principale était la découpe de cactus en tranches plus ou moins fines, on était peu porté sur les subtilités de l'obstétrique.

De mémoire d'homme, chaque habitant du village qui se sentait d'aller consulter la Médecine, s'en allait, tout simplement, à travers le désert, marchant trois jours vers l'horizon le plus proche. A son arrivée, il donnait un petit coup de sonnette nerveux et tombait dans une transe sibérienne non-palpable. Dès lors, selon le sens du vent, il était transporté derechef jusqu'à sa case ; avec, ou sans, un remboursement des frais de port roulé entre les dents.

La démarche pataude, Zora'l'Puldhire, hésitait quant au lieu de sa parturition.

Pas question en effet d'aller s'aventurer dans les sables émouvants et voraces à l'affût d'une hypothétique sage-femme.

Il lui fallait toutefois trouver un lieu pour ses basses oeuvres. N'y tenant plus, elle se jeta en fermant les yeux dans le tumulte de la circulation. A ce moment, passait une Renault 12 break tôlée portant en son flanc l'inscription : "Si c'est scié c'est bien... Si c'est sans sciure c'est chié ". SCIERIE SYRIENNE 18 rue Henri Guibet 3112 MASKANAH.

En rouvrant les yeux, elle s'aperçut qu'elle était allongée entre une couple de canards de Barbarie et une carcasse de boeuf kasher encore toute fumante de la veille au soir. L'occasion était trop belle, pour notre femme dans les douleurs imminentes du travail, de profiter du grand véhicule ... Elle le laissa poursuivre son chemin jusqu'à sa destination : la scierie syrienne qui trônait sur le terrain vague ouest de Maskanah depuis treize générations.

Le break stoppa net dans un nuage de poussière rouge. Sans plus attendre, et se tenant le ventre à pleines mains, notre parturiente courut se cacher dans le hangar des pétrolettes, hors de la frénésie industrielle. Enfin seule face à sa tâche, Zora y mit toute son âme et quelques hurlements en plus. La sciure se mêlant à sa sueur, la pauvrette fit apparaître un bébé toute seule. C'est ainsi qu'au crépuscule d'une belle journée d'hiver, Jobim Puldhire vit le jour au bord du lac Buhayrat al­asad.



klb et jjb 2002

Libellés :

15 janvier 2007

La Fleur imbécile et le Koala pubère

Entendons nous sur une chose : Il n'avait jamais voulu que les Koalas soient moins
populaires que les Loutres ... Et le plus grand pays du Maghreb n'aurait aucunement
stoppé sa production de dattes pour autant;

car le poulet anorexique d'Italie rend chauve.

Voila comment tout a débuté :

Les Hamsters indépendentistes de Papouasie orientale n'admettaient plus
leurs cages, c'est pourquoi ils sautèrent en marche, dans un mouvement de groupe,
d'un Airbus en carton pâte...
Comme le vent soufflait à reculon, tous les pigeons voyageurs présents oublièrent
de composter leur Traveller Cheque, qui, Miséricorde, annula le dernier espoir
des pingouins albinos, vivant depuis peu en communauté restreinte,
de partager l'oisiveté idyllique qui nous caractèrise.

A cet instant, l'inachevé, et laborieux défilement des réalités sommaires
du monde actuel cessa dans le fracas le plus sourd et quelques chanceux,
qui se trouvaient là par hasard, purent apercevoir furtivement une silhouette
inepte mais consentante s' acharnant a hurler :

Tues-moi, ou je meurs !!!

Il ne savait pas pourquoi, mais la perspective dite du No Futur for the Communisme
lui paraissait totalement opposée à sa rive d'idéal prolétarien et fier de l'être.

Et, passant outre le sens des valeurs que sa mère lui avait inculqué de force
avec le trépied de sa machine à coudre à l'age de six ans, elle se fit nonne dans le
désarroi général, oubliant la batracienne assidue de plancton qu'elle venait d'être
à son grand regret...

C'est alors que, l'Apocalipse ne pouvant plus guère se retenir, la Terre se mit
à trembler telle une théiere en mal d'amour, et quand les murs de flammes
et les nuages de poussière cataclysmiques eurent achevé la dévastation finale
du vide stellaire, les quelques rampants qui subsistaient alors, n'ayant plus personne
à qui s'identifier, ne pouvaient plus que répèter à des fins communicatives :

-T' es quoi toi ?!?
-Moi j' suis un Lapin !

Et espèrons qu'il fasse jour demain...




k.l.b. 96

Libellés :

13 janvier 2007

MARRE !

Pour le dire, pas vraiment pour le lire.

Libellés :

03 janvier 2007

Kaelbeh-man épisode 2

02 janvier 2007

Révélation

Tout à l'heure dans la rue, je marchais peinard... quand soudain je tombe sur ça :

Et là une révélation a comme envahit tout mon cerveau droit : George Clooney n'est autre que Roland Magdane !
Mon hypothèse : après des années de baisse de popularité, des miliers de blagues tombées à l'eau, un public proche de l'apoplexie, Roland en a eu marre et a décidé de tout quitter pour conquérir les amériques. Il a alors envoyé paître tous les responsables d'Intermarché, Shopi et autres Mammouth qui lui promettaient monts et merveilles, et a sauté dans le 1er Tupolev en partance pour Los Angeles.
Et voila : Roland Magdane disparait de la mémoire collective française, et au même moment, une star américaine se met à déchaîner les foules...

Coïncidence ? Je pense pas non !

La preuve :