** . . .: Génie Immortel 4

16 janvier 2007

Génie Immortel 4

La parole appartient aux Hommes

Il n'y eut pas quatre, neuf, ni onze, mais trois mois de galère sur leur chemin. Malgré les cahots de la route, l'attelage tenait bon. La femme haranguait d'une voix grêle le tout-venant médusé. Les mères emportaient leurs enfants loin de ce spectacle immonde, leur cachant les yeux pour qu'ils ne se les brûlent. Bref, un jeudi à l'aube, le caribou exténué fit halte sur les rotules. A l'horizon se découpait sous une brume de chaleur, la silhouette d'une forêt tropicale. D'un oeil incrédule, le caribou contempla ce nouvel univers: l'ensemble des couleurs de la création s'y trouvait redéfini dans le plus vaste des nuanciers de verts. La bave aux lèvres, Zora regarda son fils et éperonna des deux mains la croupe de sa ruminante monture.

"En avant Tapitapon !", susurra la diablesse à la cheville crottée.

Pénétrant dans la jungle infernale, le héros s'appelle Bob Morane contre tout chacal, l'équipage s'embourba dans un marécageux cul de basse fosse. N'écoutant que sa bêtise, la mère se débattit de toute la force de son unique moignon, pour mieux s'enfoncer dans la vase, ligotée de tout son long par des lianes assassines... Un dernier réflexe lui avait providentiellement fait lancer le rejeton au-delà de son tombeau. L'enfant atterrit sans trop rebondir au creux des bois du caribou affolé. Celui-ci, défait de ses liens par la fureur de la scène, entama une course folle à travers l'enfer de verdure alors que la malheureuse Zora digérant la boue avec grand peine, rendait l'âme à Dieu et son enfant au destin.

Après plusieurs jours d'errance, Tapitapon chut à nouveau sur ses rotules, grimaçant à qui voulait l'entendre que non, il n'avancerait plus d'un centimètre dans ce pays de cauchemar, merci pour lui. "C'était à craindre..." dit Jobim en se massant les côtes d'un air solennel. Pas étonné pour deux sous du phénomène de verbiage auquel il venait d'assister, le caribou s'acharna à mastiquer quelques fougères.

Leur insouciance était touchante, tandis que tout autour d'eux, un groupe d'une quinzaine de chasseurs de la tribu des Youk'hou-lé-lé-Dakat'chahid se mouvait en silence, resserrant lentement leur étau sur les voyageurs égarés.

N'étant plus qu'à quelques mètres de l'enfant et de sa monture, l'éclaireur du groupe de chasse, Takayaleh, se mordit la langue et faillit s'étouffer avec, en entendant l'enfant deviser ainsi :

" Voix-tu Tapitapon, cette enceinte de verdure m'a déjà pris ma mère, je ne vais pas en prime lui laisser nos cadavres à boulotter.

Car tant que je serai lucide, fier animal, je ne saurais adhérer au sort qui nous est joué. "

Entendant cela, Takayaleh s’en fut en courant de par la jungle, et rejoignant deux de ses compagnons, en agrippa un, Dob'hynieh, par l'os qui ornait ses narines.

" Aayyeuh ! hurla ce dernier.

-Dob'hynieh-fok'tuv'woassah !!!

-K'essa-d'hir ?

-Lanphanki'quoz-hassa'gazehlàkhorn .!.

-Oussah'dhonk ? "

Sans lâcher l'os de Dod'hynieh, l'indigène fébrile courut, bientôt suivi par toute la meute, vers l'orphelin glapissant.


klb et jjb 2002

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