** . . .: Génie Immortel 1

16 janvier 2007

Génie Immortel 1

Malheur au fils rebelle



Jobim naquit en Syrie dans la sciure d'une scierie. Sa mise-bas ne fut en rien une partie de rigolade ; car dans la petite ville de Maskanah, dont l'activité principale était la découpe de cactus en tranches plus ou moins fines, on était peu porté sur les subtilités de l'obstétrique.

De mémoire d'homme, chaque habitant du village qui se sentait d'aller consulter la Médecine, s'en allait, tout simplement, à travers le désert, marchant trois jours vers l'horizon le plus proche. A son arrivée, il donnait un petit coup de sonnette nerveux et tombait dans une transe sibérienne non-palpable. Dès lors, selon le sens du vent, il était transporté derechef jusqu'à sa case ; avec, ou sans, un remboursement des frais de port roulé entre les dents.

La démarche pataude, Zora'l'Puldhire, hésitait quant au lieu de sa parturition.

Pas question en effet d'aller s'aventurer dans les sables émouvants et voraces à l'affût d'une hypothétique sage-femme.

Il lui fallait toutefois trouver un lieu pour ses basses oeuvres. N'y tenant plus, elle se jeta en fermant les yeux dans le tumulte de la circulation. A ce moment, passait une Renault 12 break tôlée portant en son flanc l'inscription : "Si c'est scié c'est bien... Si c'est sans sciure c'est chié ". SCIERIE SYRIENNE 18 rue Henri Guibet 3112 MASKANAH.

En rouvrant les yeux, elle s'aperçut qu'elle était allongée entre une couple de canards de Barbarie et une carcasse de boeuf kasher encore toute fumante de la veille au soir. L'occasion était trop belle, pour notre femme dans les douleurs imminentes du travail, de profiter du grand véhicule ... Elle le laissa poursuivre son chemin jusqu'à sa destination : la scierie syrienne qui trônait sur le terrain vague ouest de Maskanah depuis treize générations.

Le break stoppa net dans un nuage de poussière rouge. Sans plus attendre, et se tenant le ventre à pleines mains, notre parturiente courut se cacher dans le hangar des pétrolettes, hors de la frénésie industrielle. Enfin seule face à sa tâche, Zora y mit toute son âme et quelques hurlements en plus. La sciure se mêlant à sa sueur, la pauvrette fit apparaître un bébé toute seule. C'est ainsi qu'au crépuscule d'une belle journée d'hiver, Jobim Puldhire vit le jour au bord du lac Buhayrat al­asad.



klb et jjb 2002

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