** . . .: Le Amour Bateau (6ème et dernière partie)

29 juillet 2007

Le Amour Bateau (6ème et dernière partie)

Déboussolé, le Goéland Indigne de son Clan dégrafa ses ailes de secours, et s'envola vers des cieux plus propices à ses besoins d'oiseau indépendant et solitaire. Un vif regard en arrière lui fit voir la situation sous un angle novateur : L'arrière du paquebot, illuminé de mille feux, s'affaissait progressivement dans les profondeurs de la Deule tant le nombre des passagers y était considérable.

A bord, tous s'en contrefoutaient. Ils préféraient de beaucoup assister au spectacle de haute voltige improvisé par des Pingouins Albinos en Communauté Restreinte, qui étaient grimpés en haut du dernier mât avant la mer. Goffer quant-à lui se remettait tranquillement de son expérience traumatisante avec la mort; bien que dans sa chute II s'était arraché un bout de langue, et le bout qui restait avait immédiatement triple de volume, ce qui le rendait temporairement muet... Impossible donc pour lui de dénoncer le meurtrier à cette peuplade de fous émiettés de la raison. Isaak se réjouissait dans son coin d'être noir... En quelque sorte, ça lui avait sauvé la vie : Il ne pouvait évidemment pas être victime du Tueur, lui qui tenait lieu de quota afro-américain, et de quota classe sociale inférieure, vu sa profession de barman de croisière.

Et le spectacle continuait, toujours plus étonnant, toujours plus convulsif, avec en vedettes surprises de la deuxième partie, la Compagnie Créole au grand complet, chantant et dansant comme à la belle époque. Tous leurs plus grands tubes y passaient, repris en coeur par les Têtards Rebelles de Floride et leur Accordéoniste Rampant. Dans la dernière partie du show, Montserrat Caballé émergeait de la plus grande cheminée du bateau dans une profusion non simulée de fumée et d'éclairs, alors que Paul Preboist se jetait dans une écoutille, nu comme un ver en Automne, pour ressortir d'une autre écoutille à l'opposé du pont avec un manteau de suie des pieds à la tête. Il fut bientôt suivi de Louis Chedid et de Django Reinhart, animés par la flamme intarissable de l'idolâtrie.

Une frayeur abyssale mêlée à une incompréhension chaotique s'empara de l'ensemble de l'assistance, quand apparut sans sommation au sommet de la proue en forme de Savon de Marseille, le Tueur Démoniaque et Énigmatique du Pacific Princess, qu'ils avaient presque tous déjà oublié...

"-Bonsoir mes enfants...Quelles nouvelles ?",
dit-il calmement dans un silence à suicider
un mort.

C'est l'instant qu'il choisit pour dissiper les brumes très efficaces qui laissaient son identité au rang du surnaturel. Tous s'écarquillèrent les yeux comme un troupeau de merlans refoulés par une marée trop matinale... Bien trop matinale. Au début du processus, ils avaient du mal à distinguer quoi que ce soit... Mais quand l'aube pointa son nez dans la conversation, une vision biblique envahit les globes oculaires des invités de plus en plus comateux : le premier rayon de Soleil s'arracha aux vagues lointaines, pour venir incendier le sourire du mystérieux personnage qui ne fit alors plus douter qui que ce soit. Le Capitaine Lobagile et le Capitaine You-Glan-Glan hallucinèrent et perdirent foi en la marine à la même seconde. Fernando comprit bien des choses à cette apparition, et résolut de lui même instantanément le Mystère du Pacific Princess...

Et c'est à ce moment que le Commandant Stubbing déclama un monologue qui fit taire les représentants de l'église eux-même : Dieu, Le Messie, Jésus, Moïse, et Rabbi Jacob ne purent que s'incliner devant lui en enlevant leur fausse barbe...

"Quand l'aube vint, naquirent les grands rayons de lumière,
Miroirs de la vie;
Et le ciel s' en couvrit.
Son coeur de plus en plus réjouit
Brillait sur les uns,
Glaçait les autres.
Un seul enfant né de la Terre sut l'affronter,
Le Nessham Boloss She,
Fils de Vesta et de Poseidon.
L'élu sut alors que son devoir était d'affronter l'unique puissance qui lui avait jamais résisté :
L'immensurable, le magnifique,
Le magique, l'incomparable,
L'assoiffé perpétuel, le désertique,
L'abyssal Océan."

Puis, alors qu'une mélodie transcendante rappelant subtilement la chanson du Love Boat surgissait de nulle part et jetait son dévolu sur lui, le Commandant Stubbing se retourna vers le dernier Soleil qu'il vit de sa trop courte vie, pour livrer son corps aux pleurs éternels de son idole de toujours :

L'océan de lamentations qu'était la Deule.



Fin



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