** . . .: Le Amour Bateau (2nd partie)

12 juin 2007

Le Amour Bateau (2nd partie)

Un vent impromptu les arracha l'un à l'autre. Le bateau d'une blancheur spectrale s'en fut sur les flots, toutes voiles dehors, les cheminées fumantes, faisant corps avec les vagues, pendant qu'une musique en forme d'apothéose de la toute-puissance classieuse saturait de chaleur humaine les rétines essoufflées des badauds incrédules. Plus qu'une chanson, c'était un hymne à l'exultation euphorique de nos sens primitifs enfouis.

Lorsque la sirène, qui indiquait l'atteinte du large, eu retenti, Daryl l'enfant androïde fut surpris de voir apparaitre sous ses yeux décentrés par l'émotion, un couple érodé au dernier degré : Il s'agissait du Clochard Iconoclaste et de sa Loutre boute-en-train, qui sortaient de leur cachette (une chaloupe de sauvetage aux couleurs du Pacific Princess), tels deux passagers clandestins craignant les formalités d'embarquement.

"Mais ququ-qu' est-ce que v-vous fout-t-tez là !?!
V-Vous n'étiez donc p-pas invités ?
-Figure-toi que moi et ma Loutre,
on n'a pas grande confiance en tout ce qui est administratif
De plus, je peux me vanter d'avoir développé une philosophie bien à moi,
et c'est elle-même qui m'a dit ce matin un peu avant l'embarquement
qu'il valait mieux se méfier de toutes ces listes enfantées de Dachau et d'Auschwitz...
Pour finir, laisse-moi te donner un conseil :
A quoi bon renier le passé quand il peut devenir présent ?"

Sur-ce, Daryl qui avait obtenu ce qu'il voulait, à savoir une réponse venant du cœur, retourna dans sa cale, le vent dans le dos, et l'omoplate artificielle raide de satisfaction.

Le soir venu, alors que la nuit bleue de mer se cachait derrière des étoiles diurnes et mercantiles, un mystérieux levé de Lune débarqué récemment des Anciens Temps irradia la scène d'une lueur bleu-pale. C'était féérique, on aurait cru s'y méprendre, croire que ce n'était qu'un vieux trompe l'œil en carton, récupéré dans une boutique de voyages Pakistanaise (les palmiers et le sable en moins). Seule, accoudée à la balustrade, une enfant rongée par l'autisme, cherchait en elle-même des réponses qui n'y existaient pas.... Ce n'était autre que Vicki l'insulaire de naissance, indigne héritière du commandant Meryl Stubbing.

"Mais quelle est donc ma place sur ce bateau ?
Cela fait bientôt quarante-sept minutes que je médite là-dessus,
et je n'ai toujours pas trouvé de réponse...
L'avenir nous le dira peut-être..."
"-Tu ne crois pas si bien dire",
hurla
une voix d'outre-tombe provenant de derrière son dos...

L'espace d'un instant, la misérable Vicki eut le sentiment de reconnaitre une voix familière; et c'est au moment où son interlocuteur surprise la poussait par dessus-bord, avec une volonté rappelant le massacre des bébés phoques du Gabon, que la pitoyable première victime du "Tueur Démoniaque et Enigmatique du Pacific Princess", se souvint d'une phrase que lui répétait sa mère à la tétée :

"Ma file, un Jour, peut-être tu seras grande...

eh bien crois-moi, ce jour-là tu t’en rendras compte !"

L'ambigüité dans ces cas-là, arrive avec les premiers témoins, les meilleurs, ceux qui découvrent le corps. C'est ainsi qu'un trio simiesque fit son apparition sur le pont promenade, éreinté par la digestion du diner exotique qu'ils venaient de se bâfrer à la cafeteria kasher du rafiot. II s'agissait bien-sûr des inséparables Pin et Pon, et, courant derrière eux, de l’Ours de la pub Cajoline.

"Qu'est-ce que c'est que cette chose là-bas dans l'eau ?, dit Pin.
-Je sais pô, dit Pon.
Un bout de moquette moisie à la dérive, sans doute !"
-Moi je sais ! Moi je sais !
C’est Vicki, la fille du Commandant Stubbing !, dit à son tour
L’Ours de la pub Cajoline.
-Tu me parais bien sûr de toi boule de p'luche;
qu'est-ce qui a pu te donner cette idée ?, questionna Pin.
-Ca c'est une question de flair, rétorqua l'Ours.
Toi tu peux pas comprendre, t'as pas de museau en faux cuir...
En plus, elle pue la marée cette gamine;
alors avec sa vieille coiffure des années quarante,
ça vous fait un mélange peu recommandable...
Et puis, je suis douillet comme Ours,
alors les odeurs qui fouettent comme celle-là,
ça me passe pas à côté des narines.
-C'est comme tu le sens mon gros,
tu es maître de ton jugement", conclut Pon.


Pendant le temps que durait cette conversation, le cadavre de la petite victime pourrissait à vue de nez; et ce grâce aux radiations maritimes pas catholiques que la Deule s'était entichée de faire apparaître aux bords des déchetteries de la région.



A suivre...


klb/98


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