** . . .: Le Amour Bâteau (1ere partie)

09 juin 2007

Le Amour Bâteau (1ere partie)

Un attroupement pas banal s'était formé à l'ouest de la Deule.
Et c'est peu de le dire...Tous, ils étaient tous là, réunis pour l'unique raison qui en valait la peine :
"La croisière d'anniversaire extraordinaire de tous ses textes à lui"
; une superproduction du genre qui coûte tellement cher que personne ne peut dire combien.

Ce matin-là, personne sur le quai ne se doutait encore de la suite des évènements. Pour la plupart d'entre-eux, il ne s'agissait que d'une représentation fortuite de ce qu'aurait pu être leur vie de groupe, ou de troupeau. Et les mouettes mazoutées qui leur tournaient autour comme des vautours sur une entrecôte Charal, n'aidaient en rien au ton solennel du tableau.

Malgré tout, l'embarquement eut lieu.
Julie et Gopher se réjouissaient d'avance de rencontrer tant de célébrités du Monde de l'incohérent, quant à Isaak, enchaîné à son bar, il astiquait sa moustache autant que ses verres à pied. De son côté, Doc, reclus dans sa cabine tel un diapason en mal de vibrations fortes, se vidait un flacon de scopolamine iodée en intraveineuse. Enfin, les chanceux qui avaient le nez en l'air, purent avoir l'affriolante sensation d'entrevoir une ombre diffuse sur le pont supérieur, les regarder sans mot dire s'avancer vers le bateau, embrumés et optimistes à la fois, eux qui, sans le savoir, quittaient la terre ferme pour ne jamais la revoir sous cet angle. Le soleil écarta les nuages, et l'on pu voir comme une présomptueuse réponse à cet imposant spectacle, un reflet incandescent à la base de ce qui paraissait être la tête de l'ombre. Alors le paysage changea de toutes ses forces, quand en un écho fratricide, le reflet mystérieux dévoila ses secrets en noyant la région sous un nuage de lumière aveuglant... . Sous les acclamations de la foule, apparut le Commandant Stubbing, fidèle à lui-même, le short court et le sourire à l'air, tel un second Soleil.

Ainsi eut lieu l'embarquement, les uns dépassant les autres, et les autres se dépassant eux-mêmes, tout ce petit monde parvenant sans se presser à connaître l'emplacement de sa cabine. Pour ce faire, une organisation monstrueuse digne des plus grands stratèges avait été mise en œuvre. La totalité des invités se répartissait en trois files distinctes séparées par des plots d'autoroute bariolés de blanc et d'orange fluo. Au dessus de chaque rang, un panneau en papier peint imitation marbre, indiquait le groupe de rattachement de la file.
-"Humanoïde, Synthétique, ou Indéfini ?", se demandait Balu Le Poisson dans sa langue natale, se mettant en position du caillou dans le fond de son bocal pour mieux y réfléchir.
-"Bestial !", intervint une voix sournoise s'échappant d'un arrière-plan encore flou....
C'était Goffer qui entrait en scène, plus surréaliste que jamais, dans sa toge blanche camouflée en uniforme de marin. Apres avoir pris le temps nécessaire à compter ses galons, il s'attela à sa tâche principale sur le bateau : ouvrir les vannes...
On vit en tout premier arriver un des plus anciens des personnages invités: Wagner. Lui-même bientôt suivi d'un peu plus d'une centaine d'autres cas dans une cohue désarticulée.

-"Présents !!!", finirent par hurler en Cœur Jojoka, son Monstre, Ginnette, Rufus (le balai de l'œil du chien à trois bras virgule sept et demie), Babanoux, Dodo le bébé chat et sa défunte femme Didi, Mamouchka, Jeronimo II le retour de la grand-mère du saint esprit), le gentil Petit Nain de Jardin, Georgio le Fils Maudit, et une flopée d'autres moribonds restés en proie au doute, suite à l'étrange appel émanant du haut parleur qui les surplombait de ses décibels tortionnaires:

"Allo ! J'ai faim ! ! !"

C'était Maritoutoule qui, en paniquant, s'était vengée de la mort de ses playmobiles sur l'interphone de l'accueil, qui n'avait rien fait pour mériter ça.
"Oh Non .... Pas Elle !!",
admirent en pleurant les Vétérans de la Guerre du Melon, auxquels il ne manquait plus que le déshonneur d'un affront de face avec cette tueuse de Touristes acharnée. Les paris étaient ouverts. Chacun y allait de son coup d'essai personnel. Tous voulaient deviner par eux-mêmes le numéro de leur cabine. La Bête insistait tant et si bien sur le 666 que Julie lui accorda par pitié. Quand au Ch'ti, qui s'attendait au pire et feignait l'abstention, il reçut un ingrat 65, qu'il s'évertua aussitôt à convertir en un 59 renégat...

Apres tant d'années, le moment qu'ils attendaient tous était enfin là, et ne les quitterait plus que dans un avenir trop lointain pour être perçu par le moindre de ces pauvres rebus endimanchés. L'Histoire s'approchait grands pas, chaussée de bottes de sept lieues trop grotesques pour être honnêtes.

Par milliers, que dis-je, par centaines, on vit s'élancer des balcons les litres de confettis amorphes aux couleurs aussi chaudes que froides, et les misérables serpentins en carton recycle bariolés de rose Barbie et de jaune Pisse, le tout fusant en une apothéose cauchemardesque, symbole de leur volonté inconsciente de s'agripper une dernière fois à cette Terre porteuse qui les quittait sans mot dire, et les laissait orphelins de toute conscience des réalités.




à suivre...

klb98

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