Journal d'un Mort en Sursis (1 et 2)
La matinée était a peine entamée et déja j'entendais sonner dans la moiteur des beaux jours de juin, le glas de la liberation bachelière.
Dans tout mon être se ravivait la flamme de ces temps benis où le mot examen sonnait à nos oreilles comme l'inconnu aux portes de la perception.
Sergio Krokobar traversa la rue de long en large...
Il cherchait la direction de ses pas.
Je le regardais en riant et il m'aperçut à son tour.
On l'appelait aussi Touffe Pomponnante, car un épi etrange dans ses cheveux donnait chance et confiance en soi à n'importe qui le tordait.
Il me rejoignit et me salua de trois vives courbettes.
Des lors, un roulement de tambour se fit entendre au loin sur l'avenue. Une farandole de nains expressionnistes est-allemands se dirigeait vers l'abreuvoir à chevaux.
Je leur fis signe de la main et ils comprirent que leur vie entière se déroulerait desormais de l'autre côté du passage pietons. Un phacochère aux faux airs de saint-bernard les accompagna vers un futur de plus en plus proche. Ils s'assirent tous en cercle concentrique et recitèrent des cantiques peruviens contre le rétrecissement de la planete.
Une tranchée béante s'ouvrit au coeur des nuages...
Les feux de circulation se firent bleus, blancs, puis noirs.
Toute vie s'arrèta; tout bourdonnement se fit silence...
A cet instant, ou peut-être deux à trois minutes plus tard, un rayon lumineux d'origine inconnue descendit sur nous autres.
Il stoppa net sur Sergio Krokobar qui lui sourit avec acharnement.
Le rayon s'énerva et Touffe Fomponnante se mit a leviter.
11 monta et monta, toujours plus haut dans le ciel jusqu'a ce qu'il ne soit plus qu'un point de rien dans l'immensité galactique.
Il fut emmené au paradis de ceux qui se cherchent et plus personne ne le revit.
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Le lendemain je sautais du train en marche et m'avançais dans les étendues desertiques de ma terre natale. Le ciel était vert et une certaine lueur dans la fumée faisait des ombres nuageuses.
Je laissais les corbeaux à leurs croassements pour mieux applaudir les assauts du grand Automne, ses nuages bas et ses feuilles tourbillonnantes.
Nous étions fin juin et déja dans mon coeur se retournait le souvenir de cette saison qui avait fait de nous des fous et des grands degarnis...
Plus je baissais les yeux, plus le sol était plat.
Je me mis la tête dans une alvéole de caillasse rouge et m'endormis aussitôt.
Le bleu de la nuit me réveilla dans un ambigu contraste.
Le mélange des genres accompli, je pouvais me laisser envahir par l'oxygène ambiant et suivre la lente dilapidation de mon cerveau.
Puis la plaine grandit, et je montais en haut de la tour pour mieux en concevoir l'espace.
L'horloger me tendit l'oreille et je m'appliquais à la lui prendre des mains.
Je le regardais de plus près et vis que c'était une grande femme à barbe blanche.
Je lui demandais :"C'est une vraie?"
Elle me répondit :"Non, pourquoi vous aurais-je donné ma vraie oreille ?
Celle-ci n'est qu'une façade car celle que vous cherchez est a l'intérieur."
Je lui dis tout confus :"Il y a méprise, je vous parlais de votre barbe."
Et elle de me répondre :"Celle-la est vraie, ça vous dérange ?"
Je respirais un grand coup et lui serrais la main
avant de m'enfuir vers des cieux plus prometteurs.
klb. juin 98
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