** . . .: L'Iroquois était trop benêt

13 octobre 2006

L'Iroquois était trop benêt

Il ne s'en souvenait pas, mais pourtant il était benêt.

Le mot d'ordre des prêtres était de frapper en dessous de la ceinture . . . Telle était la marque du Destin.

Malgré tout le vacarme que faisait le bourdon derrière son oreille, l' Iroquois fit battre ses bras de plus belle :

La fumée s'epaississait.

"Lâche cet ongle, il est mort...", lança de vive voix Charles Ducreuburgist-inéon, commissaire de police
involontaire dépêché sur les lieux du drame.
Lui-même trop undifférent à l'histoire, il répétait pensif à qui voulait l'entendre
que son trip à lui c'était le fenouil et qu'aucune affaire criminelle aussi surréaliste soit-elle
ne pourait rien y changer.

C'est pourquoi le commissaire Charles Tibalt Ducreuburgist-inéon (comme seule sa mère s'attardait
à l 'appeler), aimait à s'entourer d'une solide équipe de bras droits lors de ses enquêtes.
On se souviendra longtemps dans la police Killimantinoise de ces défilés
grand-guignolesques où les bras droits du commissaire se piétinaient littéralement
les uns les autres à grands coups de bras gauche pour tendre le droit en signe de raliement
à leur saint patron, le tout dans une chorégraphie patibulaire qui ne revalorisait en rien les forces de police
municipales aux yeux du peuple.

Pendant ce temps, l' Iroquois, que tous persistaient à croire trop benêt, gardait le sourire.

En se prêtant au jeu de l'oreille, on pouvait l 'entendre chanter à tue-tête, tout perché qu' il était au clocher
du plus rudimentaire des monastères Bulbiques de Killimantinorinanana.

Il n'avait de cesse de s'amuser, tout heureux que le temps passe sans lui demander la permission.

Le jour, cet unique indien du village s'extasiait le temps d 'une étourdissante cacophonie lointainement
inspirée de l'orchestre du Père Esponéo et de son quintette à cordes en boyaux de chats noirs.
La nuit, quand la Lune pointait sa face pâle et blafarde, il se plaisait à hululer son désarroi
en sautillant de gargouille en gargouille. Et quand il pleuvait... Ah ! Quand il pleuvait, il ne pouvait
s'empêcher de regarder vers les prairies au loin sous la brume. Là-bas se maintenait le souvenir de sa tribu,
celle qu'il avait quittée pour venir en ville.

Et son coeur riait en regardant ces gens affolés de le voir seul perché au sommet de sa nef.

Un jour pourtant, plus personne ne le vit, l' Iroquois trop benêt qui les intriguait tous.

Et ni le commissaire Ducreuburgist-inéon, ni aucun de ses énigmatiques bras-droits ne surent
ce qu' il était advenu de lui.

Car l' Iroquois n'était pas plus benêt que vous et moi, bien au contraire.

Il sut que son voyage initiatique dans la grande ville de Killimantinorinanana était arrivé à son terme...

Et seul, il était reparti comme il était venu, vers la terre humide et verte de ses ancètres.


Hélas, une anomalie dans un brun d' herbe lui fit baisser le regard :

Ce brun d' herbe était blanc !



klb. 7-11-98

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