** . . .: Mai 68... je l'ai passé chez Dick Rivers

07 octobre 2006

Mai 68... je l'ai passé chez Dick Rivers

A la tombée de la nuit, une brume limpide prit la jetée sous son aile.

Je masquais mon aversion pour l'inutile avec les limbes de mon savoir.

Mon but était le néant, et à dire vrai... je m'en approchais dangereusement.

Cette année là, l'inutile avait atteint les limites de sa puissance.

Et cette année- là, Dick m'avait accueuilli à bras ouverts.

Pourtant, beaucoup de choses changeaient sans même que je m'en aperçoive.

Je compris pendant mon séjour chez mon ami Dick Rivers que je n'avais jamais vu jusqu'alors,

que Mai n'était pas perceptible en tous points du globe :

Je me trouvais là, avachi dans un vieux fauteuil aux senteurs de croûte de porc,

quand la lumière vint à moi.

Dick avait pour coutume de taquiner ses invités avec une torche au propane qu'il agitait devant leurs yeux jusqu'à ce que mort s'en suive.

Dick me surprenait toujours.

C'était l'incarnation de la torture bonenfant; et à vrai dire, personne ne pouvait lui en vouloir.

Je passai donc mes quelques journées de Mai à répertorier le relief du crépis qui recouvrait les murs

de ses toilettes.

Quel bonheur que de patauger dans la sous-culture !

Puis vint le moment où mon humeur ne se contint plus...

Alors je sus que je devais agir.

Le 29 je me levais de mon fauteuil de retraite ;

Le 30 j'atteignais la porte d'entrée et tournais avec les plus vives peines du monde

ce qui semblait en être la poignée ;

Le 31 fut l'heureux jour où j'atteignais le bout de l'allée du jardin.

Les dernières heures de Mai s'avérèrent hélas bien difficiles;

car, m'apercevant de l'oubli de mon couvre-chef,

je détournais le regard du chemin de mon salut pour fixer la demeure de l'ami Dick

qui, triste personnage, me contemplait, le calme du moine sur le visage,

parachever ma course langoureuse.

Aucun retour en arrière n'était envisageable.

Puis arriva le 1er Juin.

Ce fut le jour de ma libération.

Car au terme de moultes heures de souffrances,

j'atteignais enfin le pavé de la rue.

Et c'est dans un foisonnement de râles et de pleurs

que j'atteignis l'ombre propre de ma félicité.




k.l.b. / 2 juin 1998

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